49 - Ne pansons plus.
Sur la table de nuit branlante il distille l'amertume d'une romance échue. Son présent n'est que passé, décomposé, imparfait. Ses désirs sont aphones, ses lèvres arides. Il ne peut plus pleurer, il ne sait plus sourire. Inutile de se dépenser à vouloir panser ses pensées.
45 - No woman, now cry.
A la frontière du rien
dans ce restreint no woman's land
il sirote des nuages dans sa bouche inutile
l'un d'entre eux lui fredonne une mélopée syncopée
en incrustant sur l'émail de ses dents
les reflets de ses yeux
en déposant la douceur de sa peau
sur ses papilles frustrées
41 - No fun.
Tout en rêvant d'échos de mots tendres sous la pluie éprouvante, n'oublions pas d'éteindre le jour quand de haut tombe la nuit en un chuintement d'étoiles.
37 - Se faire la malle.
Au fin fond du grenier silencieux la malle gît entrouverte. A l'intérieur, pas de jouets, pas de photos, pas de souvenirs, juste une enveloppe bleutée contenant un murmure et une larme.
33 - Renoncement.
Il pleut. Des soupçons d'atomes de particules de baisers. Il ouvre grand sa bouche pour en capter une once, puis, y renonce, tout engoncé qu'il est dans son carcan de ronces.
32 - Rien.
Un parfum de sous-bois trottine dans sa tête. Son ombre flotte et se disperse le long des chemins creux, au gré des vents incertains. Il l'inhale paupières closes, dégustant chaque bribe de ses reflets épars. L'effluve s'évapore soudain, à tire d'elle, le laissant lassé là, au détour d'un plus rien.
30 - Ivresse.
Passer la main sur ton visage.
Ouvrir les yeux dans ton regard.
Jouir de tes doigts sur ma peau.
Sourire à la soie de tes cils.
Reprendre un verre pour m'oublier.
25 - Manque.
Tout est paisible. Chaque chose est à sa place. La mer et le soleil montent puis redescendent. Il connaît par coeur les chemins alentour. Il est en manque. Les chemins alentour le connaissent par coeur. Ils redescendent vers le soleil et la mer. Plaçant chaque chose paisiblement. Il est en manque.
19 - Piaf.
Une libellule bleue s'est posée sur le bout de son nez, rivalisant de grâce avec ses longs cils. Elle vrombit tendrement devant ses yeux chatains et de ses ailes irisées lui transmet mes pensées. Un piaf odieux s'approche et gobe la bleuette, m'empêchant à jamais de jouir d'un écho.
7 - Nuit.
Un poisson rouge et un arbre se rencontrèrent en vrac. Ils se firent des promesses éternelles - Je prendrai soin de ton eau - Je prendrai soin de ton air - et, jusqu'à la nuit tombante, ils roulèrent nageoires contre feuillage, se murmurant des tendritudes. Mais la nuit fut implacable, ils s'y perdirent sans un mot.
3 - Quotidien.
Il déambule amer sur le rivage inquiet. Les goélands le narguent, les embruns lui scotchent les pores, les galets hurlent sous ses pas, un crabe hirsute lui grimace un sourire pince-sans-rire. Le ressac est foudroyant et la mer vindicative. Il pense à ces endroits qu'il ne reverra plus, à ces instants qu'il ne revivra plus. Dormir.
2 - Le rêve.
Cette nuit, j'ai rêvé que je dormais sans faire le moindre rêve. Le rêve.
1 - Accroupissement.
Dans un coin de forêt, il s'accroupit souvent et de ses doigts noueux caresse les brins d'herbe. Il murmure des épitaphes aux insectes occis, fait la cour aux girolles, écrit des mots sucrés dans l'humus immobile, invente des prénoms aux coccinelles aveugles. Ne plus se relever.